De l'URCA à la NASA!

Dans notre précédente newsletter du 1er juin 2011, c'est avec fierté que nous vous annoncions la remise du prestigieux prix « JQSRT Young Scientist Award » à l'un de nos anciens doctorants, Julien Lamouroux, en reconnaissance de ses travaux effectués dans le domaine de la spectroscopie. Devenu de fait « Meilleur Jeune Chercheur de l'Année 2010 » dans sa spécialité, nous avons retrouvé sa trace de l'autre côté de l'Atlantique et lui avons posé quelques questions sur les circonstances qui ont entouré l'attribution de cette récompense... Auxquelles celui-ci a bien volontiers répondu.

Propos recueillis par le Service Communication.

Service Communication (S.C.) : Julien, quel est votre C.V. ?

Julien Lamouroux (J.L.) : J’ai 32 ans et je suis né à Ploemeur (Morbihan). Après avoir obtenu un Baccalauréat S en 1998, j’ai débuté mes études universitaires par un D.E.U.G. M.I.A.S. (Mathématiques et Informatique Appliqués aux Sciences) à l’Université de Bretagne Sud (Lorient). J’ai poursuivi mon cursus par un Magistère (Licence, Maîtrise et D.E.A.) en physique subatomique à l’Université Joseph Fourier de Grenoble. Dans le cadre de cette formation, j’ai effectué des stages théoriques dans plusieurs laboratoires (Institut des Sciences Nucléaire de Grenoble, Institut de Physique Théorique à l’Orme des Merisiers de Saclay, Laboratoire d'Annecy-le-Vieux de Physique des Particules) qui m’ont permis de découvrir la recherche en physique fondamentale. Par la suite, j’ai effectué ma thèse de Doctorat au laboratoire du Groupe de Spectroscopie Moléculaire et Atmosphérique (G.S.M.A.) de l’Université de Reims Champagne-Ardenne, que j’ai obtenu en 2007. J’ai ensuite eu un poste d’A.T.E.R. qui m’a conduit à enseigner à l’Institut Universitaire Technologique de Reims. Je suis actuellement, depuis janvier 2009, en post-doctorat à l’Université du Massachusetts Lowell, sous la direction du Professeur Robert Gamache.

S.C. : Quels sont actuellement vos domaines et activités de recherche?

J.L. : De manière générale, mes recherches s’inscrivent dans le domaine de la spectroscopie théorique, et portent sur l’étude des spectres des gaz d’importance atmosphérique terrestre (notamment les gaz à effet de serre) et planétaire. Ces recherches sont capitales pour les projets satellitaires actuels et à venir. Pour être plus précis, dans le cadre de mon postdoctorat, il s’agit de prédire les paramètres collisionnels intervenant dans les profils de raies moléculaires induits par les collisions entre molécules (élargissements, leur dépendance en température et les déplacements), qui sont cruciaux pour une détermination précise des concentrations des gaz, entre autres. Le calcul de ces paramètres est basé sur le formalisme semi-classique complexe développé par Robert Gamache à l’Université du Massachusetts Lowell. Mes études portent aussi sur un autre effet collisionnel, l’effet d’interférence entre raies (ndlr : aussi appelé « line-mixing », le phénomène collisionnel d’interférence entre raies est dû aux transferts de populations rotationnelles induits par l’interaction de la molécule optiquement active avec les autres molécules. Ces échanges de populations introduisent différents moyens ou chemins de connecter les niveaux rotationnels, ce qui conduit à des effets d’interférence qui peuvent modifier de manière importante la forme des raies), qui a conduit au développement d’une base de données et de logiciels pour leur prise en compte dans l’étude des spectres atmosphériques. Ces travaux impliquent la compréhension des modèles théoriques existants, le développement de nouveaux modèles et leur implémentation informatique. Je suis aussi impliqué dans le calcul des fonctions de partition, quantité physique fondamentale pour de nombreuses applications, pour les molécules d’importance atmosphérique.

S.C. : Ca fait quoi d'être un des "Meilleurs Jeunes Chercheurs de l'Année"?

J.L. : Dans un premier temps, j’ai été surpris de recevoir cette récompense. J’éprouve aussi de la fierté car je n’ai jamais compté mes heures et je me suis toujours très impliqué dans mon travail. Cela a toujours été aussi un plaisir. Ce prix constitue donc pour moi une marque de reconnaissance importante de l’ensemble de mes travaux de la part de la communauté scientifique. Il m’incite aussi à poursuivre la voie dans laquelle je me suis engagé depuis de nombreuses années, a savoir la recherche en physique fondamentale.

S.C. : Pour les personnes qui ne le connaîtraient pas, pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste ce prix? Vous imaginiez-vous, un jour, en être le lauréat?

J.L. : Ce prix, le « J.Q.S.R.T. Young Scientist Award », a été établi par le « Journal of Quantitative Spectroscopy and Radiative Transfer » pour reconnaître les contributions de jeunes chercheurs (âgés de moins de 36 ans) dans leurs domaines respectifs. Cette récompense est remise dans les trois thématiques liées à la revue scientifique, dans mon cas la spectroscopie. Elle consiste en un certificat de reconnaissance. J’ai eu connaissance de ce prix depuis mon implication dans la recherche en spectroscopie, mais je n’imaginais pas l’obtenir un jour, qui plus est en étant aux Etats-Unis. Pour l’anecdote, ce prix m’a été remis le 18 juin, jour de mes 32 ans.

S.C. : Quelles étapes ont jalonné cette nomination ?

J.L. : Je dois dire qu’à aucun moment je n’ai été directement contacté pour ce prix. C'est le Dr. Laurence S. Rothman, rédacteur en chef du journal JQSRT dans la section spectroscopie, qui recherche les jeunes chercheurs (âgés de moins de 36 ans) qui seront présents à la conférence dans laquelle le prix sera remis, n'ayant jamais reçu cette récompense, ayant obtenu leur doctorat dans les 10 ans passés et publié dans JQSRT au minimum un article récent important pour la communauté scientifique. Cette liste de candidats potentiels est ensuite envoyée aux co-rédacteurs en chef de JQSRT de la section spectroscopie qui la confirment (ou non). Les récompenses sont traditionnellement remises dans le cadre d’une conférence dont les thématiques sont liées à la spectroscopie ou la télédétection atmosphérique. Dans mon cas, j’ai appris la décision lorsque le prix m’a été remis lors de la 11ème conférence Internationale HITRAN qui a eu lieu du 16 au 18 juin à Harvard (Cambridge, Massachusetts).

S.C. : Quelles sont les raisons qui vous ont fait choisir l'URCA pour y effectuer votre doctorat? Vous recroisera-t-on un jour dans les couloirs de l'Université?

J.L. : Comme je l’ai indiqué précédemment, je suis arrivé à l’URCA pour ma thèse de doctorat. Mon choix de l’URCA, et plus particulièrement du GSMA, a été basé principalement sur l’obtention (de plus en plus délicate dans le domaine de la recherche fondamentale) d’une bourse de thèse régionale par le Professeur Vladimir Tyuterev et le laboratoire. Qui plus est, ce laboratoire est nationalement et internationalement reconnu dans le domaine de la spectroscopie, notamment par la qualité des travaux qui y sont effectués.

Mon séjour dans les locaux de l’Université a duré 4 ans, durant lesquels j’ai pu participer à de nombreux projets de recherche mais aussi d’enseignement. Les compétences que j’ai pu y acquérir ont participé au fait que je sois à présent aux Etats-Unis pour y recevoir cette récompense. Ce séjour a été fructueux, tant sur un plan professionnel que sur un plan humain. À ce propos, je tiens à remercier l’ensemble des membres du GSMA et plus particulièrement mes directeurs de thèses, Pr. Vladimir Tyuterev et Dr. Laurence Régalia, pour avoir fait de celui-ci une expérience enrichissante.

Je suis régulièrement de passage au GSMA afin de poursuivre mes recherches débutées pendant mon doctorat. Je suis actuellement à la recherche d’un poste de chercheur, qui me conduira peut-être à rester définitivement dans les locaux de l’URCA.

S.C. : Concernant l'actualité de vos recherches : on nous a parlé d'un projet satellitaire avec la NASA? Une collaboration parmi beaucoup d'autres ?

J.L. : Le Pr. Gamache et moi-même sommes actuellement impliqués dans plusieurs projets nationaux et internationaux. Entre autres, des collaborations sont en cours avec le Laboratoire Inter-Universitaire des Systèmes Atmosphériques (Paris), le Harvard Smithsonian Center for Astrophysics (Cambridge, MA, USA), le Jet Propulsion Laboratory (Pasadena, CA, USA), et le NASA Ames Research Center (Moffett Field, CA, USA).